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« Pour maintenir leur niveau de vie, José et Sylvie recourent au système D »

- 4 décembre 2023

Pierre Blavier est l’auteur d’une enquête monographique publiée en 2021 et réalisée sur les ronds-points du 17 novembre 2018 jusqu’au 15 janvier 2019. En mêlant une approche politique et socio-économique de l’étude de ronds-points jusqu’à celle d’un foyer, le sociologue nous plonge au cœur du quotidien des Gilets-Jaunes et des tensions qui le traverse.

Peut-on dresser un portrait-robot du gilet-jaune, notamment celui des ronds-points ?

Ce qu’on peut dire c’est que les Gilets Jaunes, du moins ceux qui se rassemblent au cours des premières semaines du mouvement depuis le 17 novembre 2018 jusque début janvier 2019, sont majoritairement issus de ce qu’on pourrait appeler les milieux populaires de la France contemporaine. Il faut préciser cette catégorisation en indiquant quels secteurs d’activité étaient représentés Du côté des hommes, on retrouve les ouvriers de l’industrie et d’autres professions manuelles, des fonctionnaires de catégorie C, ceux qu’on appelle couramment des cantonniers, et parmi ces ouvriers de l’industrie, des mécaniciens qui travaillent dans des garages mais aussi dans des industries. Des chauffeurs vont être très présents également, et c’est là qu’il faut ouvrir au pan féminin avec aussi des chauffeuses. Les femmes étaient présentes dans ce mouvement, sans donner d’estimations on peut dire qu’elles étaient sous-représentées par rapport aux hommes mais néanmoins très présentes à travers les métiers dits du care. Ce sont toutes les personnes qui travaillent dans l’aide à domicile, comme assistantes de services hospitaliers (ASH), des infirmières et aussi des chauffeuses et des vendeuses dans la région où j’étais. En termes socioprofessionnels c’est vraiment cela les Gilets Jaunes même s’il faudrait préciser et indiquer par exemple qu’il y avait une forte présence de motards sur les ronds-points bien que ce ne soit pas une catégorie socioprofessionnelle. Ce qui relie ces professions, en tout cas c’est l’hypothèse que j’ai défendue, c’est l’usage de la voiture, ce sont de grandes utilisatrices du secteur routier et de la circulation routière.

Le mouvement des Gilets jaunes était-il une révolte de la France périphérique ?

Je n’utiliserais pas l’expression de « France périphérique » en tant que telle parce que je trouve que c’est difficile de voir à quoi elle renvoie ou correspond, a priori des territoires assez divers. En revanche, ce qu’on peut dire, c’est que par rapport à une mobilisation comme Nuit Debout qui avait eu lieu deux ans auparavant en 2016 et était plutôt une mobilisation en métropole, même s’il y a eu des Nuit Debout dans des villages, là les Gilets Jaunes c’est vraiment une mobilisation de proximité et dans des territoires qui sont effectivement plus à distance des grandes métropoles. C’est donc vrai que c’est majoritairement un mouvement périurbain. Avec le géographe Etienne Walker, nous avons montré que les Gilets Jaunes se rassemblaient dans des lieux urbains, dans des préfectures, dans des sous-préfectures mais qu’ils habitaient dans des zones qui se situaient tout autour et qu’on appelle maintenant le périurbain. Il faut insister sur le fait que contrairement à ce que laisse entendre l’expression “France périphérique”, il y a en réalité des territoires périurbains. Ils sont relativement variés en termes de marché du travail, de services publics, de dynamisme de la région et tout simplement d’ancrage régional. Le point commun entre toutes les mobilisations c’est qu’il s’agissait de personnes habitant autour ou étant assez éloignées des métropoles, à la frontière de l’urbain et du rural, c’est plutôt de là que venaient les Gilets Jaunes.

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