Accueil / Publications / Notes / Les circonscriptions rurales et périurbaines au cœur du duel entre le nouveau front populaire et le RN?

Les circonscriptions rurales et périurbaines au cœur du duel entre le nouveau front populaire et le RN?

- 20 juillet 2025

L’identification des circonscriptions “duelles”, dont le découpage resterait valide en cas de nouvelle dissolution anticipée, fait apparaître, par comparaison avec les circonscriptions qui s’étaient choisies en 2022 un.e député.e NUPES, le déplacement de la bataille électorale entre la gauche et l’extrême droite sur des territoires plus ruraux et périurbains

Les élections législatives de 2024, qui ont eu lieu suite au choix d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale au soir des élections européennes, ont exposé notre pays au risque de voir l’extrême droite arriver à Matignon. Or ce scrutin – pour l’heure – est territorialisé avec 577 circonscriptions avec comme première conséquence, évidente, qu’un sur-vote pour la gauche et les écologistes dans un de leurs “bastions” ne peut pas compenser un sur-vote Rassemblement national dans une autre circonscription, et inversement.

Le Nouveau Front populaire a joué un rôle clé en se qualifiant pour le second tour dans de très nombreuses circonscriptions et en y assumant – étant arrivé devant les candidatures de la majorité relative sortante – le rôle de réceptacle du front républicain. C’est en partie dans ces circonscriptions que s’est joué l’équilibre qui est aujourd’hui celui de l’Assemblée Nationale.

L’identification de ces circonscriptions “duelles”, dont le découpage resterait valide en cas de nouvelle dissolution anticipée – les débats sur la proportionnels sont encore loin d’avoir abouti – fait apparaître, par comparaison avec les circonscriptions qui s’étaient choisies en 2022 un.e député.e NUPES, le déplacement de la bataille électorale entre la gauche et l’extrême droite sur des territoires plus ruraux et périurbains. Une évolution qui interroge les stratégies et le travail programmatique des différentes forces de gauche et de l’écologie.

170 duels Nouveau Front Populaire / RN en 2024

Nous avons donc cherché à identifier ces circonscriptions clés ainsi que leurs caractéristiques. Pour se faire, nous avons regardé l’ensemble des circonscriptions qui ont vu au second tour un duel entre le NFP et le RN et ses allié·es. Nous ne prenons pas en compte les circonscriptions ayant des député·es sortant·es NUPES ou Rassemblement national, présentées ci-dessus. Nous avons également écarté les circonscriptions des français·es de l’étranger, pour lesquelles nous n’avons pas les données socio-économiques, mais aussi les circonscriptions d’outre-mer qui mériteraient d’être analysées à part entière.

Après un nombre important de désistement du ou de la candidat·e arrivé·e en troisième position, le second tour a donné 409 affrontements avec deux candidat·es, 89 triangulaires et 2 quadrangulaires. Pour rappel, 73 député·es ont été élu·es dès le premier tour, le 30 juin. Nous nous sommes donc intéressés aux 170 circonscriptions, sur les 539 circonscriptions métropolitaines qui ont présenté un affrontement NFP/RN. Dans ces circonscriptions, le RN ou ses allié·es proches de Ciotti (noté UDR) et le NFP étaient en première et deuxième position à l’issue du premier tour. Parmi ces 170 second tour, on dénombre 25 triangulaires et une quadrangulaire. Ces triangulaires s’expliquent en grande partie par le refus du ou de la candidat·e Ensemble arrivé·e en troisième position de se retirer.

Ces duels ont majoritairement été gagnés par le NFP, avec 99 victoires, soit 58 % des duels, notamment grâce au retrait des troisièmes et d’un refus par les électeurs et électrices de l’extrême droite. Le RN et ses allié·es gagnent 70 circonscriptions, soit 41 %.

Si on regarde l’écart obtenu au second tour entre le ou la première et le ou la seconde en fonction de leur étiquette, on se rend compte que plus de la moitié des duels perdus contre le RN et ses allié·es le sont de moins de 10% (c’est le cas de 42 duels sur 70). Cet écart limité montre que dans la majorité des cas de second tour perdu, le RN et l’UDR n’ont pas de position trop consolidée.

Les territoires périurbains au centre du duel entre Nouveau Front Populaire et le Rassemblement national

Grâce à une typologie et des données socio-économiques établies par l’INSEE, il est possible de préciser la géographie du duel entre le Nouveau Front Populaire et le RN et ses alliés.

Nous nous sommes notamment intéressés à la part de population rurale dans ces circonscriptions et l’avons comparé à la composition moyenne des circonscriptions NUPES sortantes. Ainsi, les circonscriptions duelles ont une population habitant une commune rurale périurbaine [1] légèrement supérieure de la moyenne de l’ensemble des circonscriptions. Ce résultat est particulièrement intéressant car les circonscriptions sortantes pour la NUPES présentaient en moyenne 8,2 % d’habitant·es dans le périurbain de moins, soit environ un tiers en moins que la moyenne de l’ensemble des circonscriptions.

Cette surreprésentation des ruraux dans les circonscriptions duelles est encore plus importante si on regarde les circonscriptions dans lesquelles l’écart entre le NFP et le RN était de moins de 10 %.

Si les circonscriptions gagnées par la NUPES présentaient en moyenne une population rurale et notamment périurbaine plus faible, c’est l’inverse pour les duelles qui ont eu lieu, et qui ont été majoritairement gagnées par le NFP en 2024.

Ce déplacement des enjeux électoraux vers des territoires plus périurbains impliquent que le duel Nouveau Front Populaire/Rassemblement national ont été et seront à l’avenir très sûrement tranchés par des populations plus fortement utilisatrice de la voiture pour aller travailler (2,3 % de plus que la moyenne de l’ensemble des circonscriptions et 16,2 % de plus en moyenne que dans les circonscriptions NUPES sortant·es) ou plus souvent habitantes de maison individuelles (environ 60,6 %, soit 16,8 % de plus en moyenne que dans les circonscriptions NUPES sortant·es)

Tirer les leçons de cette cartographie des circonscriptions “duelles”

Ces quelques éléments, viennent à nouveau tailler en brèche les théories en vogue d’une fracture définitive entre grandes villes et périurbain/rural. Ces quelques résultats viennent rappeler que les divisions politiques traversent aussi des territoires que certains aimeraient homogènes socialement, économiquement ou politiquement. Mais dire cela n’enlève rien au fait que c’est dans une partie de la France des Gilets jaunes [2] que l’équilibre de l’Assemblée nationale s’est, au moins en partie, décidé. La capacité des gauches et de l’écologie politique à freiner la progression du Rassemblement national dépend donc, entre autres, de sa capacité à mener campagne depuis et pour ces territoires et leurs habitant·es.

Il s’agit là d’un ds principaux chantier politique des mois et années à venir.

NOTES :

([1] La population habitant une commune rurale périurbaine est obtenue grâce aux portraits des circonscriptions législatives mis à disposition de l’INSEE et basé sur le recensement de 2019. (https://www.insee.fr/fr/statistiques/6436478). La part de la population rurale périurbaine correspond à la part de la population qui vit dans une commune rurale sous influence d’un pôle, tel que défini par l’INSEE dans sa définition du rural (https://www.insee.fr/fr/statistiques/5039991?sommaire=5040030#onglet-2). L’influence d’un pôle correspond au fait d’appartenir à l’aire d’attraction d’une ou plusieurs villes de plus de 50 000 habitants.

[2] L’écologie depuis les ronds-points, 2023 https://www.fondationecolo.org/publication/publication-l-ecologie-depuis-les-ronds-points/

Sujets abordés :
Partager sur :