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Les Notes de la FEP #1 – Qu’est-ce qu’un écologiste?

- 2 février 2014

Les Notes de la FEP # 1

Qu’est-ce qu’un écologiste?

Par Catherine Larrère, Présidente de la Fondation de l’Ecologie Politique

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Capture d’écran 2014-01-28 à 14.36.07.pngJ’emprunterai la définition d’un écologiste à Aldo Leopold, ce forestier américain qui, à la fin de sa vie, publia l’Almanach d’un comté des sables, livre dont la publication posthume, en 1949, devait rencontrer un prodigieux succès, et devenir la référence incontestée des éthiques environnementales. Dans la tradition des récits de nature inaugurée par Thoreau dans Walden, le livre de Leopold se présente comme une série de vignettes ou d’historiettes, égrainées selon les mois de l’année. Il y présente la vie qu’il mène dans son domaine du Wisconsin (le ‘comté des sables’) à la rencontre de la nature. On peut y trouver ceci:

‘J’ai lu de nombreuses définitions de ce qu’est un écologiste, et j’en ai moi-même écrit quelques-unes, mais je soupçonne que la meilleure d’entre elles ne s’écrit pas au stylo, mais à la cognée. La question est: à quoi pense un homme au moment où il coupe un arbre, ou au moment où il décide de ce qu’il doit couper? Un écologiste est quelqu’un qui a conscience, humblement, qu’à chaque coup de cognée, il inscrit sa signature sur la face de sa terre. Les signatures diffèrent entre elles, qu’elles soient tracées avec une plume ou avec une cognée, et c’est dans l’ordre des choses.’

L’écologiste est présenté comme quelqu’un qui agit, et cette référence à l’action me paraît remarquable pour trois raisons, au moins.

1) Agir dans la nature et avec elle

Là où la traduction (généralement très bonne) parle d »écologiste’, le terme qui figure en anglais est celui de conservationist, autrement dit (si l’on traduit mot à mot) un protecteur de la nature. Or, à l’époque où vivait Leopold (et encore largement maintenant), protéger la nature, aux États-Unis surtout, c’est s’abstenir, c’est ne pas intervenir. La nature que l’on entend protéger est désignée comme wilderness, un espace sauvage, intouché par l’homme. Le texte juridique qui régit la protection de la nature aux Etats-Unis, le Wilderness act désigne celle-ci comme un ‘espace où la terre et sa communauté de vie ne sont pas entravées par l’homme, où l’homme lui-même est un visiteur qui ne reste pas’. L’important, donc, est de laisser de tels espaces à eux-mêmes, hors de toute emprise humaine. Les éthiques environnementales sont, dans leur grande majorité, des éthiques du respect, ce qui s’entend, le plus souvent, comme  de la non intervention, du non agir.

Capture d’écran 2014-01-28 à 15.36.40.pngCe n’est pas le cas pour Leopold. Protéger la nature, pour lui, c’est agir, intervenir, et peut-être même détruire. Dans le passage qui précède immédiatement celui que je viens de citer, il se demande comment ‘savoir quels arbres il faut abattre pour le bien de la terre’. Il poursuit en s’interrogeant sur ses choix, lorsqu’il s’agit de planter: donne-t-il la préférence aux pins ou aux bouleaux? S’il peut ainsi conjuguer ses préférences personnelles et le ‘bien de la terre’, c’est qu’il ne se considère pas comme en dehors de la nature. Il en fait partie et cette appartenance est source de devoirs moraux. C’est la leçon première de son éthique qu’il énonce dans la préface de son livre: ‘La terre en tant que communauté, voilà l’idée de base de l’écologie, mais l’idée qu’il faut aussi l’aimer et la respecter, c’est une extension de l’éthique.’

Dans sa définition d’un écologiste, Leopold réfléchit à partir de sa pratique de forestier. Quelqu’un qui agit de façon intentionnelle, de façon à intervenir dans le cours de la nature, de façon à l’infléchir dans le sens où il l’entend, mais sans pour autant la dominer. Il ne s’agit pas d’agir sur la nature ou contre elle, mais avec elle, dans un rapport de partenariat. Le problème n’est donc pas de s’abstenir d’agir, mais d’agir en sachant ce que l’on fait, en réfléchissant aux conséquences. Aussi la définition de Leopold, qui se demande quels arbres couper et quels arbres planter, ne se limite-t-elle pas à la protection de la nature, elle vaut comme métaphore de notre agir, un agir conscient de la façon dont il s’inscrit dans son environnement, un agir écologique.

2) Agir et plus seulement avertir

Un écologiste c’est quelqu’un qui agit, pas un intellectuel: la bonne définition s’écrit avec ‘la cognée’ et pas avec ‘un stylo’. La critique des livres et d’un savoir purement livresque est fréquente chez les amoureux de la nature, à commencer par Rousseau. Ce qui ne l’empêche pas d’écrire et d’écrire fort bien. Ce qui est le cas de Leopold: l’Almanach d’un comté des sables est un superbe livre. Les écologistes savent écrire.

Si les livres nous détournent souvent de la réalité, un bon livre peut nous y ramener. Les écologistes ont souvent été des lanceurs d’alerte. Ils ont attiré l’attention sur les conséquences -extrêmement nocives- de nos actions techniques dans la nature. Ce fut le cas, notamment, dans les années 1960, quand un certain nombre de scientifiques sont sortis de leur réserve habituelle pour prendre publiquement la parole. En 1962, Rachel Carson, une spécialiste de biologie marine, a mis en évidence, dans Silent Spring (Printemps silencieux) les effets cumulés des pesticides, comme le DDT, quand ils se diffusent dans la chaîne alimentaire. Le livre eut un grand succès auprès du public et joua un rôle important dans l’éveil de la conscience écologique,  il provoqua également des réactions violentes de la part des firmes de l’industrie chimique qui accusèrent Rachel Carson d’être ‘une bonne femme hystérique’ diffusant des mensonges. En 1972, le rapport  Meadows, du club de Rome, a montré l’impossibilité d’une croissance illimitée sur une terre limitée. À la fin des années 1980, Edward O. Wilson, un biologiste qui était resté jusque là dans une attitude de neutralité, a dénoncé la disparition accélérée des espèces en popularisant le terme de biodiversité. Il a contribué à faire de la biologie de la conservation une ‘science militante’, une science d’action.

C’est qu’il ne suffit pas de révéler, d’alerter. Il faut également agir. Le film d’Al Gore, Une vérité qui dérange (An Inconvenient Truth) est une présentation claire, pédagogique, frappante du changement climatique : ses mécanismes, ses effets.  Tout est fait pour capter l’attention: le film alterne la présentation didactique et les moments personnels, l’information scientifique et les images émouvantes. Nous ne pouvons qu’être convaincus de la gravité de la situation. Mais que faire? Le contraste est frappant entre la sévérité du tableau présenté (on pourrait même reprocher au film d’être nettement catastrophiste), et la pauvreté des solutions proposées. Avec le générique de fin, défilent quelques conseils: éteindre la lumière en sortant, prendre des douches plutôt que des bains….

C’est dérisoire, parce que cela reste individuel. Il y a un décalage choquant entre l’ampleur -globale- du problème et la modestie des actions proposées. Si, en reprenant une définition de Leopold, un écologiste est quelqu’un qui agit en réfléchissant aux conséquences de ses actes, et si ces actes sont individuels, Al Gore n’est pas un écologiste. Tout au long du film, on le voit traverser des aéroports en tirant sa valise. Et encore le film ne précise pas que c’est vers son avion personnel qu’il se dirige. Du point de vue du bilan carbone, ce n’est pas excellent. Mais les actions ne peuvent pas être seulement individuelles. A problème global, il faut des solutions, sinon globales, du moins collectives.  Ce qui pose la question de la dimension politique de l’écologie.

3) Agir : le naturel et le social

Le bûcheron et sa cognée sont, pour Leopold, une métaphore de nos rapports à la nature: agir en sachant ce que l’on fait, agir en cohésion, en collaboration avec la nature. Mais il y voit aussi une métaphore de nos rapports sociaux. Dans la préface de l’Almanach, il nous invite à ‘réévaluer ce qui est artificiel, domestique et confiné à l’aune de ce qui est naturel, sauvage et libre.’ Il nous propose ainsi d’instiller un peu de sauvage dans notre vie sociale et politique. Il s’inscrit dans la continuité de Thoreau. Si celui-ci considérait que ‘in wildness is the preservation of the world’ (le salut du monde se trouve dans la vie sauvage), c’est que sauvage et libre allaient pour lui de pair. Dans le rapport à la nature Thoreau et Leopold trouvent ainsi une leçon politique de liberté. Thoreau est celui qui a su lier l’attention à la nature et la désobéissance civile. Protection de la nature et démocratie vont de pair. L’écologie est politique.

Mais la globalisation des problèmes environnementaux a transformé la situation. À l’époque de Thoreau et de Leopold, on pouvait penser qu’en s’inspirant de la nature, il était possible de réformer notre vie sociale. Avec la globalisation, la situation s’inverse: si nous ne transformons pas notre vie sociale, nos rapports à la nature vont se détériorer jusqu’à rendre notre propre vie sociale impossible. La question n’est plus seulement de voir la nature autrement (sauvage et pas domestique, naturelle et pas artificielle) mais de voir autrement notre vie sociale, de l’intérieur.

C’est ce qu’André Gorz présentait, sous le nom d’écologie politique: ‘instaurer de nouveaux rapports des hommes à la collectivité, à leur environnement, à la nature‘. De Leopold à Gorz, le rapport entre le naturel et le social s’inverse. Pour Leopold, la nature vient en premier: en transformant nos rapports à la nature, nous pouvons espérer améliorer nos rapports sociaux. Pour Gorz, la société est nommée d’abord, la nature relève des conséquences: en transformant nos rapports sociaux, nous pouvons espérer être mieux en accord avec la nature. Cela ne va pas de soi, ni dans un sens, ni dans un autre. Cela va d’autant moins de soi que l’on continue à disjoindre les deux soucis, celui de la nature et celui de la société. C’est ce que l’on fait lorsque l’on distingue entre environnementalisme (les rapports à la nature) et écologie (un autre modèle social) et que l’on y voit non seulement des tâches distinctes, mais deux formes de pensée indépendantes. Pourtant que ce serait un environnementalisme qui ne se rendrait pas compte que nos rapports à la nature ne sont pas purement individuels mais engagent notre vision sociale? Que serait un écologisme qui entreprendrait de transformer le modèle social sans y inclure nos rapports à la nature et comprendre que la première transformation c’est de mettre en question la séparation du naturel et du social?

Un écologiste, c’est quelqu’un qui est capable de penser à la fois la nature et la société. Et ce n’est pas facile.

 

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On peut, en lisant la définition que donne Leopold d’un écologiste, se dire qu’il a été entendu. Qu’est-ce en effet que l’empreinte écologique, sinon la signature humaine sur terre? À ce titre, si chacun de nous mesure son empreinte écologique et s’efforce de la diminuer, ne serons-nous pas tous des écologistes? Il resterait beaucoup à faire, cependant. Car s’en tenir à une approche individuelle, c’est laisser de côté la dimension collective du problème. Et, surtout, la détermination purement quantitative de cette empreinte laisse entendre qu’il suffirait de la réduire. Alors qu’il ne s’agit pas seulement de faire moins. Il faut faire autrement.

Catherine Larrère, philosophe, est Présidente du Conseil de surveillance de la Fondation de l’Ecologie Politique.

Biographies de

penseurs de l’écologie

 

Rachel Carson (1907-1964)

 

Zoologiste et biologiste, ayant travaillé au US Bureau of Fisheries, Rachel Carson s’était fait connaitre du grand public par une trilogie consacrée à la vie marine.

La parution en 1962, de Silent Spring (Printemps silencieux), où elle dénonce les dangers causés par le DDT et son introduction dans les chaînes trophiques a provoqué de violentes réactions de la part de l’industrie chimique qui a mis en cause sa crédibilité scientifique et l’a accusée de vouloir revenir au Moyen-Age. Elle a été soutenue par la plus grande partie de la communauté scientifique et par un comité scientifique formé sur la demande du Congrès.

On considére généralement, que, œuvre d’une scientifique sérieuse et reconnue, Silent Spring est un ouvrage engagé visant à alerter le grand public des dangers que les sociétés industrielles font courir à l’environnement, en particulier l’industrie chimique. Le livre, et ses répercussions, ont déclenché le mouvement écologiste aux Etats-Unis dans les années 60. Il a conduit à la création de l’Environmental Protection Agency (EPA).

 

• Rachel Carson, Silent Spring, 1962 ; trad. fr.: Printemps silencieux, Plon 1963; Wildproject 2009.

Jean Dorst (1924 – 2001)

 

Biologiste et naturaliste, Jean Dorst est entré au Museum national d’histoire naturelle en 1947. Ornithologue passionné, grand voyageur, il constate les dégradations des milieux naturels et s’engage : il contribue à la protection des iles Galapagos où il participe à la création de la Fondation Charles Darwin. Élu à l’Académie des sciences en 1973, puis directeur du Museum national d’histoire naturelle, de 1975 à 1985, il impulse la rénovation de la galerie de zoologie.

Son ouvrage Avant que nature meure (1965), analyse vivante et prémonitoire de la crise d’érosion de la biodiversité, et qui appelle à une réconciliation de l’homme et de la nature, eut une grande influence sur les naturalistes de diverses disciplines, au-delà du monde francophone, qui prirent de plus en plus la mesure des problèmes rencontrés par la faune et la flore. Dans les années qui suivirent sa parution, de nombreuses associations consacrées à l’étude et à la protection de la nature virent le jour, notamment en France.

 

• Jean Dorst, Avant que nature meure, Delachaux et Niestlé, 1965 (réed. 2012). 

René Dumont (1904-2001)

 

Ingénieur agronome, d’abord tenté par le productivisme, il va s’en déprendre alors qu’il occupe la chaire d’agriculture comparée de l’Institut national agronomique et développe des études sur la dynamique des systèmes agraires. C’est ainsi qu’il se fera connaître comme spécialiste du Tiers Monde, critique du colonialisme, puis du néocolonialisme, attentif aux difficultés du développement, analyste sans complaisance des responsabilités qui incombent aux gouvernements post-coloniaux. Sensibilisé à l’écologie par le rapport du Club de Rome (1972), il est, en 1974, candidat à l’élection présidentielle, et fait entrer officiellement l’écologie dans la politique française. Il développe ses propositions dans L’Utopie ou la mort (1974). Plus qu’un essai exposant les grands problèmes écologiques sous un angle économique et politique (inégalités entre le Nord et le Sud, explosion démographique, course au profit…), L’Utopie ou la mort en appelle à l’instauration d’une nouvelle politique, esquissant un programme d’écologie politique.

 

• René Dumont, L’Afrique noire est mal partie, Le Seuil, 1962, réed. 2012.

• René Dumont, Nous allons à la famine, avec Bernard Rosier, Le Seuil, 1966.

• René Dumont, l’Utopie ou la mort, Le Seuil, 1974.

• René Dumont, Seule une écologie socialiste…, Robert Laffont, 1977.

Jacques Ellul (1912-1994)

 

Jacques Ellul, d’ascendance anglo-maltaise par son père et hollandaise par sa mère, fut professeur d’histoire du droit, à la Faculté de Bordeaux, sociologue et théologien protestant français.

Il est surtout connu comme un penseur de la technique et de l’aliénation au XXe siècle et il est l’auteur d’une soixantaine de livres (la plupart traduits à l’étranger, notamment aux États-Unis et en Corée du Sud).

Grand lecteur de Marx, il transfère la critique sociale du travail et des rapports économiques à la technique. Selon lui, la technique a changé de statut, d’ensemble de moyens au service d’une fin, elle s’est muée en « milieu environnant à part entière », elle est désormais un phénomène autonome, qui échappe au contrôle de l’homme et fait peser sur lui un grand nombre de déterminations, parce qu’elle s’est imperceptiblement sacralisée.

Sa conception de l’autonomie de la technique a été souvent jugée exagérément fataliste et réductionniste. Sa critique de la société technicienne, menée avec Bernard Charbonneau, a joué un rôle dans la pensée écologiste en attirant l’attention sur des questions qui allaient être au centre de la réflexion et de la mobilisation : importance croissante des risques technologiques, choix technologiques imposés sans être débattus, atteintes renforcées à l’environnement.     

 

• Jacques Ellul, La Technique ou l’enjeu du siècle, Armand Colin, 1954 ; Economica, 2008.

• Jacques Ellul, Le Système technicien, Armand Colin, 1977 ; Le Cherche Midi, 2012.

• Jeacques Ellul, Le Bluff Technologique, Hachette, 1988, 3e édition 2012.

Félix Guatarri (1939 – 1992)

 

Félix Guattari fut tout à la fois agitateur politique, psychanalyste et philosophe. Son trajet a été marqué par deux expériences majeures : la volonté de changer la nature des rapports humains dans le milieu psychiatrique et le militantisme politique dans l’extrême gauche non stalinienne.

Dans les années 1980, il s’engage dans le mouvement écologiste, auquel il propose une réflexion théorique tout en cherchant à unifier ses principales composantes. Dans Les trois écologies (1989), il développe la notion d’écosophie, à travers laquelle doivent être pensées en commun trois écologies :

* l’écologie environnementale pour les rapports à la nature

* l’écologie sociale pour les rapports au «socius», aux réalités économiques et sociales

* l’écologie mentale pour les rapports à la psyché, à la question de la production de la subjectivité humaine.

 

• Félix Guatarri, Les trois écologies, Galilée, 1989.

André Gorz (1923 – 2007)

 

Parti d’une réflexion sur lui-même qui trouve dans la philosophie de Sartre le guide d’une reconstruction personnelle (il est né en 1923 dans une famille juive autrichienne  qui a dû fuir le nazisme en Suisse), Gorz prolonge assez vite la critique ontologique en une réflexion d’anthropologie sociale, ce qui le conduit à une critique de la société moderne, du capitalisme et de la rationalité économique qui ne se satisfait pas de la réponse marxiste, trop économiste. Il développe un projet social, centré sur la question de l’autonomie individuelle, qui doit beaucoup à Ivan Illich, mais qui accorde une place particulièrement importante à la question du travail. 

Dès le début des années 70, notamment à travers la lecture du rapport Meadows, il découvre la crise écologique et la question des limites de la croissance. Cela le conduit à nommer écologie politique son projet de transformation sociale capable d’instaurer un nouveau rapport des hommes à la collectivité, de transformer leur monde vécu et de modifier leur relation à la nature.

C’est cette écologie politique démocratique qu’il oppose à l’écologie scientifique par laquelle le capitalisme tente de tenir compte des limites de la croissance, mais qui l’expose à l’autoritarisme.

 

• André Gorz, Écologie et Politique, Galilée, 1975, éd. augmentée Le Seuil « Points », 1978, qui ajoute le texte « Écologie et Liberté » paru en 1977.

• André Gorz, Écologie et Liberté, Galilée, 1977.

• André Gorz, Métamorphoses du travail, Galilée, 1988 et Folio Essais, 2004.

• André Gorz, Capitalisme Socialisme Écologie, Galilée, 1991.

• André Gorz, Ecologica, Galilée, 2008.

 

La FEP a consacré une publication à André Gorz:

 

• Fondation de l’Ecologie Politique, L’écologie politique d’André Gorz, février 2014, 93pp., disponible gratuitement sur www.fondationecolo.org

Ivan Illich (1926 – 2002)

 

D’origine italienne et allemande, Ivan Illich fait des études de théologie et de philosophie. D’abord prêtre, il exerce en Amérique latine, il a été vice-recteur de l’Université catholique de Porto-Rico. Il quitte Porto-Rico en 1960, à la suite d’un différend avec la hiérarchie de l’Église,sur la question des préservatifs et, en 1961, il fonde le Centre pour la formation interculturelle à Cuernavaca qui deviendra le fameux Centro Intercultural de Documentaciòn (CIDOC). Ce centre fonctionnera de 1966 à 1976. Il reviendra ensuite vivre en Europe, et enseignera en Allemagne.

Illich a mené une critique de la société industrielle, dont il a montré la contreproductivité. À partir d’un certain niveau, la rationalité instrumentale  produit le contraire de ce qu’elle vise : la médecine rend malade, l’école abêtit, le développement économique transforme la pauvreté en misère.

A une société productiviste qui entretient l’hétéronomie, il a opposé l’autonomie d’une société conviviale et sobre.

 

• Ivan Illich, Œuvres complètes Tome 1, (Libérer l’avenir – Une société sans école – La Convivialité – Némésis médicale – Énergie et équité), Fayard, 2004.

• Ivan Illich, Œuvres complètes Tome 2, (Le Chômage créateur – Le Travail fantôme – Le Genre vernaculaire – H2O, les eaux de l’oubli – Du lisible au visible – Dans le miroir du passé), Fayard, 2005.

 Hans Jonas (1903 – 1993)

 

Hans Jonas, philosophe allemand, formé à Fribourg, où il suit les cours de Heidegger, en compagnie de Günther Anders et d’Hannah Arendt. Il s’intéresse d’abord à la gnose, sur laquelle il écrit sa thèse. Juif, il réussit à quitter l’Allemagne nazie et à partir en Palestine. Pendant la guerre il s’engage dans la brigade de volontaires juifs qui combat dans le rang des Alliés. Revenu en Palestine, il émigre aux Etats-Unis où il s’intéresse à la philosophie de la vie : il est l’un des premiers philosophes à s’inquiéter des conséquences possibles des biotechnologies.

En 1979, il écrit le Principe responsabilité, où il développe une éthique de la technique. Le livre a eu un grand succès particulièrement en Allemagne, et on le considère comme une des sources du principe de précaution et de l’éthique de responsabilité du développement durable. Hans Jonas attire l’attention sur les conséquences potentiellement catastrophiques de notre puissance technique et met l’accent sur nos devoirs vis-à-vis des générations futures et de la nature : « Agis de façon à ce que les effets de ton action soient compatibles avec une vie authentiquement humaine sur terre ».

 

• Hans Jonas, Le phénomène de la vie, vers une biologie philosophique (1966), De Boeck, 2001.

• Hans Jonas, Le principe responsabilité (1979), Éditions du Cerf, 1990.

Aldo Leopold (1887 – 1948)

 

Aldo Leopold, auteur américain, forestier (formé à l’école de foresterie de l’Université de Yale), il a été en charge de la gestion de la faune sauvage dans différents Etats américains, puis professeur à l’Université de Wisconsin.

Défenseur de la protection de la nature, actif dans la Société pour la wilderness, il est connu pour son livre, Almanach d’un comté des sables, terminé juste avant sa mort (d’une crise cardiaque alors qu’il aidait un voisin à combattre un feu de forêt), et publié en 1949. Dans la ligne des écrits de nature inaugurée par Thoreau, il y présente sa vie et ses rencontres avec la faune et la flore dans son domaine du Wisconsin. Il y introduit la première éthique environnementale (Land Ethic) explicitement formulée, qui joint l’expérience personnelle de la nature aux enseignements de l’écologie scientifique. Il y défend une vision holiste de notre place dans la nature : « Une chose est juste lorsqu’elle tend à préserver l’intégrité, la stabilité et la beauté de la communauté biotique. Elle est injuste lorsqu’elle tend à l’inverse ». Il est l’icône incontestée du mouvement américain de protection de la nature.

• Aldo Leopold, A Sand County Almanac, With Essays on Conservation from Round River, Ballantine books, 1966 ; trad. fr.: Almanach d’un comté des sables, Aubier, 1995.

• Aldo Leopold, La Conscience écologique, (anthologie de textes inédits en français), Wildproject, 2013.

Edgar Morin (1921 –)

 

Edgar Nahoum, dit Edgar Morin, ancien résistant, est un sociologue et philosophe français.

Il définit sa façon de penser comme « coconstructiviste » en précisant : « c’est-à-dire que je parle de la collaboration du monde extérieur et de notre esprit pour construire la réalité ».

C’est comme penseur de la complexité qu’il a le plus contribué à la pensée écologique. Ce n’est pas tant la multiplicité des composants, ni même la diversité de leurs interrelations, qui caractérisent la complexité d’un système, la complexité, c’est l’imprévisibilité potentielle (non calculable a priori) des comportements de ce système, liée en particulier à la récursivité qui affecte le fonctionnement de ses composants (« en fonctionnant ils se transforment »), suscitant des phénomènes d’émergence certes intelligibles, mais non toujours prévisibles.

Les comportements observés des systèmes vivants et des systèmes sociaux fournissent d’innombrables exemples de cette complexité. Ignorée par la science positive, la complexité a fini par être prise en considération. En introduisant le concept de « complexité organisée » en 1948, W. Weaver allait réouvrir de nouvelles voies à « l’intelligence de la complexité » que P. Valéry avait déjà définie comme « une intelligible imprévisibilité essentielle ».

Edgar Morin, à partir de 1977 (La Méthode, T. I) établira le « Paradigme de la complexité » qui assure désormais le cadre conceptuel dans lequel peuvent se développer nos exercices de modélisation des phénomènes que nous percevons complexes (« point de vue ») : une complexité à la fois organisée et, récursivement, organisante.

Edgar Morin est également partie prenante du mouvement écologique. Avec Terre-Patrie, écrit en 1993, (avec Anne-Brigitte Kern), Edgar Morin en appelle à une « prise de conscience de la communauté du destin terrestre », véritable conscience planétaire : « C’est en Californie, en 1969-1970, que des amis scientifiques de l’Université de Berkeley m’ont éveillé la conscience écologique » rapporte-t-il, avant de s’alarmer : « Trois décennies plus tard, après l’assèchement de la mer d’Aral, la pollution du lac Baïkal, les pluies acides, la catastrophe de Tchernobyl, la contamination des nappes phréatiques, le trou d’ozone dans l’Antarctique, l’ouragan Katrina à La Nouvelle-Orléans, l’urgence est plus grande que jamais ».

Il a soutenu des luttes écologiques internationales et participé, avec de nombreux  intellectuels, juristes et politiques au lancement d’un Tribunal moral pour les crimes contre la nature et le futur de l’humanité lors de la Conférence « Rio+20 ».

 

• Edgar Morin, Le Paradigme perdu : la nature humaine, Paris, Le Seuil, 1973.

• Edgar Morin, La Méthode (6 volumes):

La Nature de la nature (t. 1, 1977), Le Seuil, Nouvelle édition, coll. Points, 1981.

La Vie de la vie (t. 2, 1980), Le Seuil, Nouvelle édition, coll. Points, 1985.

La Connaissance de la connaissance (t. 3, 1986), Le Seuil, Nouvelle édition, coll. Points, 1992.

–  Les Idées (t. 4, 1991), Le Seuil, Nouvelle édition, coll. Points, 1995.

L’Humanité de l’humanité – L’identité humaine (t. 5, 2001), Le Seuil, Nouvelle édition, coll. Points, 2003.

Éthique (t. 6, 2004), Le Seuil, Nouvelle édition, coll. Points, 2006.

• Edgar Morin, La Voie, Fayard, 2011.

 Serge Moscovici (1925 – 2014)

 

Psychologue, historien des sciences, philosophe, Serge Moscovici est un théoricien de l’écologie politique et  a contribué au mouvement écologique en France, par sa participation aux Amis de la Terre.

Serge Moscovici a très tôt remis en cause la coupure entre nature et culture, en montrant que la nature nous faisait autant que nous la faisons. Il s’intéresse à la façon dont la nature devient un objet politique et insiste pour dire que l’écologie ne s’inscrit nullement dans une vision passéiste du monde, elle représente une étape d’avenir de notre rapport à la nature.

Il invite à un élargissement de la conscience écologique et politique avec l’idée forte que l’écologie, en opérant une révolution de la science et des consciences, ne s’imposera que si elle devient un véritable phénomène culturel.

 

• Serge Moscovici, Essai sur l’histoire humaine de la nature, Flammarion, 1968/1977.

• Serge Moscovici, La Société contre nature, Union générale d’éditions, 1972 / Seuil, 1994.

• Serge Moscovici, De la nature : pour penser l’écologie (entretiens avec Pascal Dibie), Métailié, 2002.

• Serge Moscovici, Réenchanter la nature : entretiens avec Pascal Dibie, Aube, 2002.

 Arne Naess (1912-2009)

 

Arne Naess est un philosophe norvégien. Après un passage en France, il participe à Vienne aux travaux de Moritz Schlick et du cercle de Vienne avant de faire une thèse de psychologie et de philosophie des sciences à l’Université de Berkeley en Californie. Revenu en Norvège, il y est professeur de philosophie à l’Université. Pendant la guerre, il s’engage dans la résistance, sur des bases non violentes, et continuera à militer dans des mouvements pacifistes. En 1972, il publie l’article « The Shallow and the Deep Long Range Ecology Movements » qui va lancer l’expression de deepecologyet la distinction entre deep and shallowecology (écologie profonde et superficielle). Il en développe la philosophie dans Ecologie, communauté et style de vie, livre d’abord publié en norvégien, puis réécrit en anglais (avec l’aide de David Rothenberg), en 1989. Le mouvement de la deepecology est surtout connu dans sa branche américaine, où il s’agit essentiellement d’un mouvement de défense de la nature sauvage (wilderness) souvent considéré comme fondamentaliste en Europe. Mais, si le rapport à la nature sauvage et l’épanouissement de soi que l’on peut trouver à y vivre jouent un rôle important dans la philosophie de Naess (ce qu’il appelle une écosophie), celle-ci ne s’y réduit pas. Il s’agit bien d’une écologie politique qui développe une vision positive de la technique, une réflexion globale sur la société, et une conception non violente de la politique.

 

• Arne Naess, Ecologie, communauté et style de vie, Éditions MF, coll. « Dehors », 2009.

• Arne Naess, Vers l’écologie profonde (avec David Rothenberg), Wildproject, coll. «Domaine Sauvage» 2009.

 Pierre Samuel (1921 – 2009)

 

Mathématicien français connu pour son travail sur les algèbres commutatives et leurs applications à la géométrie algébrique.

Il s’intéresse à l’histoire du féminisme et publie Amazones, guerrières et gaillardes (1975).

Politiquement très engagé à gauche (notamment en mai 1968), et à la suite d’une prise de conscience à Harvard en 1969-1970, il fonde le groupe écologiste Survivre et vivre en 1970, avec Alexandre Grothendieck et Claude Chevalley, avant de le quitter pour le groupe plus modéré Les Amis de la Terre en 1973.

 

• Pierre Samuel, Ecologie: détente ou cycle infernal, UGE, Collection 10-18, 1973.

Henry David Thoreau (1817-1862)

 

Conférencier et essayiste, enseignant, philosophe, naturaliste amateur, et poète américain.

Auteur d’un Journal qu’il a tenu toute sa vie, il est surtout connu pour deux œuvres. Walden ou la vie dans les bois (1854), décrit sa vie solitaire et simple, dans le cadre naturel de l’étang de Walden, à quelques kilomètres de son village de Concord (Massachussetts). La Désobéissance civile (1849) texte d’une conférence où il défend l’idée d’une résistance individuelle à un gouvernement injuste, qui pratique l’esclavage, extermine les Indiens et déclare la guerre au Mexique, est considéré comme étant à l’origine du concept de non violence.

C’est la conjonction de ces deux textes, l’un qui fait l’éloge du sauvage et du rapport à une nature libre, l’autre qui défend une conception active de la démocratie, qui fait de Thoreau un des auteurs fondateurs de l’écologie politique.

 

• Henry David Thoreau, Walden, ou la vie dans les bois [« Walden or Life in the Woods »], Gallimard, coll. « L’Imaginaire » (n° 239), 1990 (1re éd. 1854).

• Henry David Thoreau, La Désobéissance  civile (Civil Disobedience), Mille et une nuits, 1997 (1re éd. 1849).

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