Accueil / Articles / Entretien / [Entretien] Conrad Colman et le 1er Vendée Globe zéro émissions
[Entretien] Conrad Colman et le 1er Vendée Globe zéro émissions

[Entretien] Conrad Colman et le 1er Vendée Globe zéro émissions

- 29 mai 2017

Conrad Colman et le 1er Vendée Globe zéro émission

Propos recueillis par Lucile Schmid.

En quoi s’engager dans le Vendée Globe peut-il être regardé comme une aventure écologique: relations avec l’océan, le vent, les éléments au sens large? En quoi cette traversée modifie-t-elle l’image que l’on a de la nature, des devoirs à l’égard de la planète?

Conrad Colman: Pour moi, le Vendée Globe permet d’aller dans des zones quasiment vierges et très peu traversées par les populations actuelles. Lorsque l’on parcourt les océans du Sud et que l’on est en communion avec la nature, cela renforce pour moi la responsabilité que l’on a de porter ce message important de préservation de notre planète.

La cause environnementale m’est très chère, je suis végétarien depuis mes 15 ans et je voulais porter un message supplémentaire autour du monde. La course m’a donné l’occasion de prouver que si on peut utiliser des technologies vertes dans des courses extrêmes, on peut les utiliser dans la vie de tous les jours.

Est ce vraiment une course incomparable par rapport à ce que vous connaissiez? Pourquoi?

Oui, pourtant j’avais fait 2 courses en double autour du monde et des Transatlantiques en Solitaire. Le Vendée Globe est totalement à part, tout est démultiplié, les problèmes comme les moments de bonheur!

C’est une course qui joue sur les détails et la fiabilité donc j’étais très content d’être parti avec des énergies renouvelables car elles sont fondamentalement plus robustes que les options classiques utilisées par les autres concurrents.

Comment votre état d’esprit a-t-il évolué au cours de la traversée? Pouvez- vous nous citer les plus beaux moments de partage, d’émotion avec la mer, les animaux, la nature? Pacifique, hémisphère sud, nord…

Mon état d’esprit n’a pas tellement changé tout au long de la traversée. Cependant ces courses vous amènent à repousser vos limites toujours un peu plus donc on devient la personne capable de surmonter tant d’épreuves. J’ai eu énormément de bons moments en mer, dans les 2 hémisphères même si le côté sauvage de l’hémisphère Sud est quelque chose d’unique. Si je devais choisir un moment de communion avec la nature, c’est une nuit de pleine lune, mer plate et conditions confortables où des dauphins ont escorté le bateau alors qu’il y avait beaucoup de plancton phosphorescent dans l’eau. Leurs traces alors qu’ils filaient à mes côtés laissaient des trainées lumineuses dans l’eau… magique.

Vous avez choisi d’effectuer cette course sur un bateau zéro émissions pour boucler votre tour du monde sans utiliser aucune énergie fossile. Pouvez vous revenir sur l’origine de cette démarche, ses étapes et les objectifs que vous poursuiviez? Est ce que vous avez été vous même surpris du succès de votre démarche, est ce que votre bateau vous a semblé à la hauteur du défi? En quoi votre approche pourrait-elle inspirer d’autres personnes?

La voile est souvent vue comme un sport compliqué à comprendre mais la base c’est un bateau, un homme et les éléments pour le faire avancer autour du monde. Vu qu’on est le seul sport mécanique qui utilise les éléments naturels pour avancer, j’étais motivé pour pousser ce principe jusqu’au bout… utiliser les sources naturelles pour tout. Donc dès le début du projet nous avons décidé de retirer le moteur diesel pour partir avec un hydrogénérateur (le moteur produit de l’électricité quand il n’est pas utilisé en mode propulsion) et des panneaux solaires comme source d’énergie (voir la présentation du bateau sur le site de Conrad Colman).
J’ai eu très peu de soucis avec ces technologies écologiques et j’ai beaucoup parlé avec les autres skippers qui sont motivés pour adopter la même démarche dans le futur.

Allez vous la poursuivre sur d’autres courses et lesquelles?

Mon bateau était largement à la hauteur et je continuerai cette démarche sur mes prochaines courses. Je vise la Barcelona World Race 2019 et le Vendée Globe 2020 comme courses principales.

Vous avez été confronté à des défis techniques exceptionnels pendant la traversée et surtout au moment de votre démâtage au large du Portugal, il vous a fallu vous débrouiller seul en mobilisant des compétences techniques et une inventivité adaptée à ces circonstances. Pouvez vous nous dire quel était votre état d’esprit, comment vous avez surmonté cette épreuve?

Le Vendée Globe était pour moi plus qu’une course, c’était un objectif que je m’étais fixé il y a 10 ans quand j’ai quitté le Colorado où je venais de finir mes études pour venir en Europe. J’ai passé les 10 dernières années de ma vie à me réveiller chaque matin en me demandant quelle serait la prochaine étape qui me permettrait de me rapprocher de cet objectif.
La course était remplie d’embûches que j’ai surmonté une à une. Quand j’ai perdu le mât, tout est allé très vite et j’ai vu 10 ans de ma vie défiler en 30 secondes. J’ai été anéanti. Une fois que j’ai repris des forces (une nuit de sommeil assez stressante où le bateau bougeait beaucoup, un peu comme un bouchon sur l’eau) je me suis dit que je ne pouvais pas abandonner sans avoir tout tenter. Je savais que j’avais de quoi réparer la bôme, je ne savais pas si la réparation tiendrait mais j’ai essayé. J’ai mis 5 jours à mettre en place mon mât de fortune mais après le temps, l’énergie, la sueur et l’argent investit dans ce projet, c’était une goutte d’eau. La force mentale que nous avons tous est impressionnante, il faut juste y aller étape par étape. Vous ne pouvez pas imaginer le bonheur que c’était de passer cette ligne d’arrivée, sous gréement de fortune, quel sentiment de satisfaction et de bonheur. Cela valait la peine d’être vécu!

Vous venez d’un pays la Nouvelle Zélande ou la nature et la mer sont omniprésentes. Est ce que vous pourriez nous dire comment cela a inspiré votre respect de la planète?

J’ai grandi dans une famille qui était toujours dehors et mes racines sont bien profondes. J’ai planté des arbres avec ma mère, je n’ai pas fait une balade à la plage sans ramasser les bouts de plastiques qui pouvaient y trainer et passé mes vacances sur l’eau. Plus que mon pays, c’est ma famille qui a ancré mes convictions.

Si vous aviez un engagement écologique prioritaire quel serait-il ?

J’en ai deux. Le premier c’est d’aider à la transition vers un modèle zéro émission, l’utilisation de véhicules électriques, de moteurs électriques sur les bateaux…
Le second c’est de promouvoir le changement dans les habitudes en encourageant les gens à utiliser des matériaux durables au lieu du plastique (tasses réutilisables, réutilisation des sacs en toile….) car je trouve choquant de voir flotter des paquets de chips ou autres déchets plastiques au milieu de nulle part.

Résumé du Vendée Globe de Conrad Colman en vidéo

Retrouvez les aventures de Conrad Colman sur son site internet personnel:

http://www.conradcolman.com/

Partager sur :