Le Comité consultatif du Parlement européen s'apprête à adopter des pénalités pour la première fois envers des eurodéputés. Avant de se pencher sur le cas de Rachida Dati, co-tête de liste pour les européennes en Ile-de-France.
Le Comité consultatif du Parlement européen, sorte de comité d’éthique de l'assemblée, s’apprête à sortir de l’anonymat qu’il connaissait jusqu’alors.
En commençant par remonter les bretelles à sept députés européens qui aiment voyager. Leur cas doit être examiné durant la prochaine réunion du comité consultatif, mardi 11 février.
7 eurodéputés invités par l’Azerbaïdjan pour des élections « libres et équitables »
Invités par l’Azerbaïdjan à participer, en tant qu’observateurs , aux élections du pays en octobre dernier, les députés ont omis de le préciser dans leur déclaration. Et ils ont à cette occasion rédigé un rapport qualifiant les élections dans le pays de « libres et équitables ». Une position totalement opposée à celle de l’OSCE, l’organisation sur la sécurité et la coopération en Europe. Qui avait à cette occasion observé « de sérieux problèmes » dont l’encadrement de la liberté d’expression et de réunion. Un think tank s’est même alarmé des conséquences de leur rapport sur l’observation des élections en général.
Le comité se demande aussi s’ils n’ont pas été rémunérés pour cette tâche, quels cadeaux leur a échu, en sus du voyage payé par le pays.
Un nouveau code de conduite draconien
Or selon le nouveau Code de conduite du Parlement européen, adopté en juillet dernier, tout cadeau, toute invitation à un match de foot ou à un spectacle ou a fortiori un voyage doit être mentionné sur la page Internet du député, dans le mois qui suit l’invitation. Tout cadeau ou don estimé à plus de 150 euros est concerné par cette mesure.
Les députés européens ont d’ailleurs été prévenus : le président du Parlement, Martin Schulz, leur a adressé plusieurs courriers ainsi que des emails. De plus, le comité a proposé des sessions de formation par groupes politiques. Or seul le groupe des Verts a jugé bon d’organiser cette formation pour ses membres.
La création du comité consultatif du Parlement européen et l’adoption du code de conduite des parlementaires ont fait suite au scandale « cash for amendments », ou « amendements contre cash, intervenu en 2011. Deux journalistes du Sunday Times se faisant passer pour des lobbyistes avaient alors dit avoir convaincu des eurodéputés de les soutenir contre de l’argent liquide.
Des pénalités envisagées pour la première fois
Depuis, et même si le Comité composé d’un membre de chacun des 5 grands partis du Parlement se réunit quasiment tous les mois, un seul cas a été examiné : celui de Jean-Luc Dehaene. L’ancien Premier ministre belge avait dû rectifier sa déclaration d’intérêts financiers.
Cette fois, et pour la première fois les pénalités prévues à l’article 153 du code de procédure du Parlement européen devraient être prises en considération. Elles sont graduelles : la plus légère est une réprimande du président, puis vient la suspension de l’allocation journalière (entre 2 et 10 jours), et enfin la suspension d’activités au Parlement. « Surtout en période électorale, la pénalité la plus grave est celle de la publicité d’une éventuelle remontrance » estime Sten Ramstedt, secrétaire du Comité consultatif auprès du Président du Parlement européen.
Le comité n’est pas décisionnaire sur ce sujet : il proposera une pénalité, dont l’application sera ensuite laissée à Martin Schulz, le président du Parlement européen actuellement en campagne pour la présidence de la Commission européenne.
Martin Schulz saisi au sujet du cas de Rachida Dati
Un autre sujet brûlant sera évoqué, non pas durant la réunion du comité mais dans les couloirs. Ce n'est pas dans l'agenda officiel, mais tous les membres du comité ont en effet reçu début février une lettre concernant l’eurodéputée Rachida Dati, qui est co-tête de liste UMP pour les élections européennes. Le courrier, signé par Olivier Hoedeman de Corporate Europe Observatory et Magda Stoczkiewicz de Friends of the Earth Europe, demande au président du Parlement européen, Martin Schulz de faire lumière sur un sujet délicat.
Les ONG se demandent si la députée qui est membre de la commission des affaires économiques et suppléantes de la Commission sur l’industrie et l’énergie se trouve dans une situation de conflit d’intérêts, définie par le code de conduite comme une situation « où le député a un intérêt personnel qui pourrait influencer de façon inappropriée l’accomplissement d’une de ses fonctions ».
Dans une lettre adressée en novembre dernier par Friends of the Earth à l’eurodéputée, l’ONG s’était déjà interrogée sur un éventuel conflit d’intérêts en s’appuyant d’une part sur une brève des Echos faisant mention du fait que Rachida Dati travaillait pour GDF, et d’autre part sur son activité au Parlement européen, où Rachida Dati est membre de la commission des Affaires économiques, et suppléante de la Commission Industrie et énergie.
Les services juridiques du Parlement planchent
Au cabinet du président du Parlement européen, on indique que la lettre a bien été enregistrée. Les services juridiques du président se penchent sur le sujet, tout en précisant que « cela peut prendre plusieurs jours ». Le Comité consultatif ne peut en effet s’auto-saisir ; il faut que le président lui demande d’examiner un sujet pour qu’il soit mis à l’ordre du jour.
De son côté, la société GDF Suez préfère ne pas commenter. « On ne dément pas et on ne confirme pas » précise une porte-parole à EURACTIV.
Interrogée à ce sujet en décembre dernier, la député européenne avait indiqué qu’il n’y avait « absolument aucun conflit d'intérêt entre son activité et son mandat de député européen ». Selon le magazine Le Point, la député aurait travaillé à diverses occasions pour GDF Suez. Contactée par EURACTIV, l’eurodéputé n’a pas donné suite.
"Beaucoup de députés européens travaillent pour le privé"
Le Code de conduite du Parlement européen est particulièrement sévère sur ce sujet. Les ONG s’interrogent notamment sur l’article 3.3 du Code de conduite, qui demande aux députés de préciser les éventuels conflits d’intérêt avant de parler ou de voter au Parlement ou lorsque le député se retrouve rapporteur d’un texte.
Interrogé par EURACTIV sur ce cas un eurodéputé UMP estime sous couvert d’anonymat que « beaucoup de députés européens travaillent pour le privé, sans que ce soit problématique, et qu’il est important que les députés européens français s’emparent du sujet de l’énergie ».
Durant les deux dernières années, Rachida Dati a travaillé sur des amendements en matière énergétique et posé de nombreuses questions écrites et orale au Parlement, et notamment sur l’harmonisation des politiques énergétiques, le climat, les énergies renouvelables en Méditerranée, les opérateurs de l’énergie étrangers en Hongrie, la protection des citoyens de prix de l’énergie élevés, la place du gaz en Europe ou encore le marché intérieur du gaz.