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Notre-Dame-des-Landes: une victoire écolo qui donne des ailes

Notre-Dame-des-Landes, l'aéroport enterrédossier
L’annonce de l’abandon du projet de nouvel aéroport nantais, au cœur d’un affrontement depuis des décennies, signe l’enracinement des préoccupations environnementales dans la société. De quoi changer le regard sur d’autres chantiers d’envergure controversés ?
par Christophe Alix, Coralie Schaub, Jean-Christophe Féraud, Aurélie Delmas, BIG et Franck Bouaziz
publié le 17 janvier 2018 à 21h06

C'est du jamais-vu depuis 1981. Quand, arrivant à l'Elysée, François Mitterrand avait abandonné le projet de centrale nucléaire de Plogoff (Finistère) et celui de l'extension du camp militaire du Larzac. Après des années de controverse, une énième médiation et d'ultimes consultations qui ont usé les nerfs des «pro» comme des «anti», Edouard Philippe l'a annoncé mercredi : «l'aéroport de la division» à Notre-Dame-des-Landes ne se fera pas. Tout en précisant qu'il s'agit là d'une «décision exceptionnelle pour une situation locale exceptionnelle», le Premier ministre a admis que les conditions de consultation des grands projets d'aménagement du territoire devaient changer. Très macronien, il a promis que l'Etat continuerait à «aménager le pays», en prenant en compte, désormais, «une meilleure qualité de vie [et] un plus grand respect de l'environnement». On croirait entendre Nicolas Hulot quand il fustigeait bien avant son entrée au gouvernement «un investissement du siècle dernier».

Profil bas. Il s'agit évidemment d'une victoire pour le ministre, même s'il a fait profil bas mercredi. Mais c'est surtout une victoire idéologique pour l'ensemble du mouvement écologiste. Les responsables d'EE-LV ont illico exulté. A l'image de l'eurodéputé Yannick Jadot, qui a salué «une décision qui récompense des années de résistance locale, d'expertise citoyenne et de mobilisation nationale». Malgré leurs échecs cuisants dans les urnes, les responsables EE-LV ont labouré le terrain des idées sur ce dossier.

Mais en réalité, l'abandon de Notre-Dame-des-Landes signe d'abord un succès militant qui dépasse largement un parti en pleine déconfiture. Pour Franck Laval, président de l'association Ecologie sans frontière et proche de l'ex-ministre de Sarkozy, Jean-Louis Borloo, EE-LV n'aurait même «eu aucune influence» sur la décision de ce mercredi. «Ils ont eu 17 députés pendant cinq ans, qu'ont-ils fait ? Le contre-pouvoir citoyen est dans les associations, même si on a besoin d'élus locaux écolos.» Ce qui a vraiment fait la différence, c'est surtout la mobilisation locale et celle des zadistes qui se sont installés durablement sur la «zone à défendre». «C'est d'abord la victoire d'une très large mobilisation, pas d'un parti ou d'un leader, car les considérations écologiques ont pénétré assez profondément dans la société», note Bastien François, président de la Fondation pour l'écologie politique et ex-élu EE-LV. Occupation, construction d'alternatives, rassemblements, actions juridiques diverses, alliances entre naturalistes et altermondialistes…. Pour Maxime Combes, d'Attac, «c'est la juxtaposition entre des stratégies variées qui a permis la construction d'un rapport de force… et non la conversion idéologique des décideurs». Et l'altermondialiste de poursuivre : «Il faut se garder de penser que cette décision marque une rupture dans les logiciels du gouvernement. Au même moment, l'exécutif vient de signer un décret permettant à certains préfets de ne pas respecter des réglementations environnementales.»

Précédent. Bref, même si l'enterrement de Notre-Dame-des-Landes revêt une importance symbolique majeure, nul ne sait encore s'il créera un précédent pour la trentaine d'autres projets contestés sur le territoire. Les grandes ONG nationales ont déjà appelé à ce que ce dossier serve d'exemple. «Nous espérons que ça ouvre une nouvelle ère qui va questionner les projets qui ne correspondent plus au nouveau modèle de développement que nous devons inventer, pour par exemple mettre en œuvre l'accord de Paris», a déclaré Pascal Canfin, directeur de WWF, évoquant notamment la Montagne d'or, gigantesque projet industriel d'extraction de l'or en forêt guyanaise, porté par Emmanuel Macron. Même si Philippe a pris soin dans son allocution d'étouffer tout départ de feu zadiste, les militants veulent y croire : «B on nombre de batailles locales vont se sentir comme avec du vent dans les voiles», espère Maxime Combes.

Europa City: la folie des grandeurs

Trop de commerces tue le commerce. Le projet d'Europa City dépasse de loin tout ce qui existe déjà en matière de centres commerciaux : 200  000 mètres carrés de galeries marchandes, soit près de 400 boutiques. Prévu pour ouvrir ses portes en 2024, l'endroit serait un concept de consommation et de loisirs inédit. Reste que cette opération, menée par Auchan associé à un promoteur immobilier chinois, se situe sur la commune de Gonesse (Val-d'Oise) à proximité de deux centres commerciaux existants, O'Parinor à Aulnay-sous-Bois et Aéroville près de Roissy-Charles-de-Gaulle. Résultat, le commissaire Ronan Hébert chargé d'une enquête publique sur l'opération a émis un avis défavorable. F.Bz.

Canal Seine Nord Europe: un projet qui traîne en longueur

Comme l'aéroport Notre-Dame-des-Landes, le canal Seine Nord Europe est un projet vieux de plusieurs décennies. Cette voie fluviale de 107 km de long et 54 mètres de large entre Compiègne (Oise) et Aubencheul (Nord) aurait pour vocation de faciliter les flux de marchandises vers le nord de l'Europe. L'investissement nécessaire est de 4,7 milliards d'euros, dont 1 milliard à la charge de l'Etat. Le reste se partage entre un financement de l'UE et des collectivités locales. En juillet, Macron a classé cette infrastructure parmi celles qui nécessitent une pause, compte tenu de l'état des finances publiques. Si les élus locaux et notamment Xavier Bertrand (président des Hauts-de-France) n'ont pas apprécié, la députée LREM Barbara Pompili (ex-EE-LV) ne soutient pas le projet et milite pour un développement du fret ferroviaire. F.Bz.

Grand Contournement Ouest: des embûches sur la route

En octobre, les ministres Nicolas Hulot et Elisabeth Borne ont confirmé la réalisation du Grand Contournement Ouest (GCO) de Strasbourg, un projet d'autoroute de 24 km mené par Vinci. Mais ils ont suspendu l'opération de déboisement nécessaire aux travaux préparatoires, en attendant que le concessionnaire retravaille son dossier, après un avis négatif du Conseil national de la protection de la nature. Le GCO entraînerait la destruction de forêts et milieux humides où habite le grand hamster d'Alsace, et ferait disparaître 350 hectares de terres agricoles. Parmi ses opposants figurent l'actrice Charlotte de Turckheim et l'animateur Stéphane Bern (chargé par Macron d'une mission sur le patrimoine en péril), qui s'inquiètent de dégâts sur les jardins du château de Kolbsheim. Une petite ZAD s'est installée près de l'ancien moulin de ce village, avec l'accord du maire. Et huit cabanes «d'information» ont été construites le long du tracé. C.Sc.

Bure: la peur d’un «Tchernobyl souterrain»

Comme NDDL, le nom de Bure est désormais connu de tous. Pour les uns, c'est le lieu où seront enfouis pour toujours les déchets les plus radioactifs. Pour les autres, c'est une ZAD antinucléaire. C'est ici, entre Meuse et Haute-Marne, que l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) veut enterrer à 500 mètres sous terre 70  000 m3 de déchets haute et moyenne activité. Un projet à 25 milliards d'euros. Après son laboratoire, l'Andra va déposer sa demande d'autorisation en 2019 pour creuser ce sarcophage nucléaire baptisé Cigéo. Mais elle devra améliorer la sûreté des fûts de déchets bitumineux potentiellement inflammables. Les opposants ne désarment pas contre ce qu'ils appellent un «Tchernobyl souterrain». Mais comme certains experts pourtant proches des anti-nucléaires, Nicolas Hulot estime que Cigéo est la «moins mauvaise solution». J.-C.F.

Autoroute A45: «tour de veille» et tracteurs

L'A45 est un projet de 48 kilomètres d'autoroute entre Lyon et Saint-Etienne, qui doit être concédée à Vinci et dont la déclaration d'utilité publique a été signée en 2008. Les opposants lui reprochent son inutilité (son tracé est parallèle à l'actuelle A47), la perte de 500 hectares de terres agricoles, son impact environnemental et son coût (plus de 1,2 milliard d'euros, financé aux deux tiers par l'Etat et les collectivités locales). Le gouvernement a mis le projet en «pause» et son avenir devrait être tranché au premier trimestre par la loi de programmation des infrastructures. En attendant, les opposants restent mobilisés. Ils ont réuni près de 10 000 personnes et 130 tracteurs en juillet, et ont installé une «tour de veille» en bordure du tracé. «Il n'y a pas de ZAD à proprement parler car il n'y a pas eu de terres expropriées, explique Maxime Combes, d'Attac, très impliqué dans cette lutte. Mais c'est dans l'esprit des autorités et la simple idée d'une potentielle ZAD est un atout pour les opposants.» C.Sc.

LGV Lyon-Turin: actions dures contre une ligne de chemin de fer en retard

Déjà entamé, cet immense chantier ferroviaire franco-italien qui prévoit notamment le creusement d'un tunnel de 57 km sous les Alpes entre la vallée de la Maurienne (Savoie) et le Val de Suse servira à 80 % pour l'activité de fret. Donc à faire baisser le trafic de camions. Evalué à une vingtaine de milliards d'euros dont 40 % financés par l'UE, 35% par l'Italie et 25% pour la France, il rencontre l'opposition des écologistes et des organisations agricoles qui dénoncent un projet «pharaonique, totalement disproportionné et inutile». Côté italien, le mouvement No TAV («non au train à grande vitesse») a mené des actions, parfois dures, au point que l'installation du chantier a dû se faire avec l'appui de l'armée. La situation est cependant plus calme aujourd'hui. Les parties française et italienne ont réaffirmé en septembre leur «engagement commun» dans cette nouvelle infrastructure jugé prioritaire pour l'Union Européenne qui le soutient massivement. Les travaux ont pris du retard avec une date de mise en service qui avait été initialement prévue pour 2030. C.Al.

Center Parcs de Roybon: des jacuzzis à la place des forêts

Dans la forêt de Chambaran, à Roybon (Isère), Pierre & Vacances veut construire un Center Parcs de mille cottages, commerces et restaurants ainsi qu'une bulle à 29 °C avec piscine et jacuzzi. Lancé en 2007, le projet de 390 millions d'euros (dont près d'un tiers sur fonds publics) promet de créer 468 emplois. Mais il est contesté par différents collectifs, qui lui reprochent la destruction de plus de 250 hectares de forêt, dont 110 à 120 de zones humides, et la consommation d'un million de litres d'eau par jour. Les travaux de défrichement entamés fin 2014 ont été interrompus par des militants qui occupent depuis le site. Peu nombreux et ayant subi l'incendie d'une cabane en octobre, les zadistes «jouent un rôle d'appui sur d'autres luttes à proximité, notamment contre l'A45», selon Maxime Combes, d'Attac. Alors que la justice a bloqué les travaux, la bataille judiciaire reste en cours. C.Sc.

Transformateur en Aveyron: la tension monte

Un projet de méga-transformateur en plein terrain agricole électrise Saint-Victor-et-Melvieu, village de l'Aveyron. RTE, filiale d'EDF chargée des réseaux haute tension, en a besoin pour raccorder une ligne de 225 000 volts desservant l'Aveyron, le Tarn et l'Hérault à une nouvelle autoroute électrique de 400 000 volts. Mais, depuis trois ans, des militants ont construit la «cabane de l'Amassada» pour cristalliser l'opposition à ce projet. Ils en contestent la nécessité avant même les conclusions de l'enquête d'utilité publique, dénoncent les futures nuisances environnementales et problèmes sanitaires, sans oublier de contester le business de l'électricité nucléaire… Une cabane, ce n'est pas encore la ZAD de NDDL, mais RTE a bien du mal à faire baisser la tension. J.-C.F.

LGV dans le Sud: l'Etat sur les freins

En inaugurant la ligne à grande vitesse Paris-Rennes au mois de juillet, Emmanuel Macron a douché les espoirs de ceux qui imaginaient que la prochaine étape serait la liaison Bordeaux-Toulouse, afin de réduire le temps de trajet entre les deux villes, de 4 h 10 à 3 h 15. La priorité est désormais aux transports de proximité, que ce soit en Ile-de-France ou autour des métropoles. De fait, les 7 milliards d'euros que coûterait cette ligne ne sont pas compatibles avec le budget de la SNCF, plombé par 50 milliards de dettes. Plus au sud, la desserte à grande vitesse de l'Espagne à partir de Montpellier en passant par Perpignan n'est guère promise à un plus bel avenir. Le projet est évalué à 5,5 milliards d'euros et la ministre des Transports, Elisabeth Borne, a rappelé aux élus d'Occitanie qu'il serait bon d'étudier au préalable «l'optimisation» des lignes déjà existantes. F.Bz.

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