Tribune

La VIe République, pourquoi, comment ?

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La démocratie représentative affronte une crise de confiance de très grande ampleur. Cette situation n’est bien sûr pas propre à la France, la désaffection des urnes et la distance croissante entre représentants et représentés marquent les systèmes politiques démocratiques dans le monde entier.

Elle n’est pas non plus nouvelle, même si son terreau a connu de profonds bouleversements depuis le début du XXsiècle, qui la rendent plus compliquée à appréhender : professionnalisation accrue de l’activité politique, complexification des clivages sociaux, fragmentation des espaces publics, allongement des chaînes d’interdépendance qui relient les individus, etc.

Enfin, elle n’a pas une cause unique, facilement identifiable et qui appellerait une réponse simple, même si le système institutionnel français – autrement dénommé VRépublique –, caractérisé par la concentration et la verticalité de l’exercice du pouvoir politique d’une part, et l’absence de contre-pouvoirs efficaces d’autre part, porte sa part de responsabilité dans cette crise, voire contribue à l’aggraver.

Il ne faut jamais trop attendre d’une Constitution, même dans le meilleur des mondes constitutionnels
possible

La crise démocratique que nous vivons n’a pas un épicentre unique. Son lieu n’est pas d’abord, ou seulement, la Constitution. Dans les années 1970, le sociologue Michel Crozier publiait un livre au titre fameux : On ne change pas la société par décret. On ne change pas non plus la société par Constitution. Il ne faut jamais trop attendre d’une Constitution, même dans le meilleur des mondes constitutionnels possible. Une Constitution peut être un obstacle au renouveau nécessaire des modes de gouvernement, de délibération et de représentation – c’est le cas aujourd’hui en France –, mais elle peut être aussi un outil pour restaurer la confiance dans la politique, pour libérer les énergies, pour ouvrir des espaces d’action. C’est pourquoi il est temps de remettre sur le métier la question institutionnelle pour refonder un pacte démocratique en mesure d’affronter les défis inédits du gouvernement du XXIsiècle. C’est ce projet que l’on nomme VIRépublique. L’élection présidentielle en est l’occasion.

Mobiliser le plus grand nombre

Cette entreprise n’a de chance d’aboutir que si elle mobilise le plus grand nombre et ne se réduit pas à des préconisations d’experts. Et le premier enjeu de la VIRépublique est bien là : mettre en mouvement la société, l’inviter à dire ce qui la constitue – au sens propre : les valeurs dans lesquelles elle se reconnaît, les principes qu’elle veut affirmer dans le gouvernement et l’organisation du pouvoir, les visions qu’elle a de son avenir.

Nous avons besoin d’un débat
très décentralisé, ouvert à toutes
et à tous, échappant au formalisme
de la délibération de type
parlementaire

Ce dont nous avons besoin, dans un premier temps du moins, ce n’est donc pas d’une assemblée – quelles que soient sa composition et sa mission – censée figurer temporairement « le Peuple », mais d’organiser un débat dans toute la société sur les institutions que nous voulons. Convoquer d’entrée une Constituante est la meilleure façon d’enfermer le débat – de l’enfermer physiquement dans une enceinte où quelques dizaines ou centaines de personnes délibéreraient au nom des Françaises et des Français –, d’en suspendre le mouvement au moment même où on l’engage. A l’inverse, nous avons besoin d’un débat très décentralisé, ouvert à toutes et à tous, échappant au formalisme de la délibération de type parlementaire. Nous disposons aujourd’hui d’innombrables outils, largement expérimentés, pour organiser et faire vivre cette élaboration collective : débats publics, jurys citoyens, conférences de consensus, voire même, dans une forme un peu particulière, sondages délibératifs.

Alors que nos vies sont envahies par les technologies de l’information et de la communication, que nous sommes par exemple capables de construire ensemble, en ligne, une immense encyclopédie de la connaissance – Wikipédia, quels qu’en soient les défauts –, la Constituante comme idéal de mobilisation populaire est une idée dépassée. Faut-il en abandonner l’idée ? Sans doute pas. Mais une telle assemblée n’aurait de sens que si elle était réunie au terme de ce long débat, pour en articuler toutes les facettes, les confronter, les évaluer et en faire une synthèse.

Consultation « auto-organisée »

C’est une méthode de cette nature que vient de proposer la Fondation Nicolas Hulot 1. Sur une durée d’un an, il s’agit d’organiser dans un premier temps une vaste consultation « auto-organisée » de la population s’appuyant sur une plate-forme numérique, puis de mettre en place un forum délibératif national dont les membres seraient tirés au sort pour établir la synthèse de la consultation citoyenne et le cahier des charges d’une réforme de la Constitution, pour réunir enfin une assemblée constituante à la composition mixte (élus et tirés au sort).

« Dis-moi comment ta Constitution a été élaborée, je te dirai dans quel régime tu vis » a joliment écrit le constitutionnaliste Olivier Duhamel. Pour tous ceux qui voient dans la VIRépublique un puissant outil de renouveau de la démocratie française, son élaboration doit être une préfiguration du nouveau régime qu’elle cherche à instaurer. C’est la première condition de la restauration de la confiance dans la démocratie.

Bastien François, professeur à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, vice-président de la Fondation de l’Ecologie politique, référent « Institutions » de l’équipe de campagne de Benoît Hamon

  • 1. Osons le big-bang démocratique. Une méthode pour adapter nos institutions au XXIe siècle, février 2017.

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