Mais au fond, sur quoi les Italiens s’apprêtent-ils à voter ce dimanche 4 décembre ? A priori, sur la réforme constitutionnelle du Premier ministre Renzi. Une réforme qui vise, en deux mots, à réduire drastiquement les pouvoirs du Sénat afin de faciliter le parcours législatif et de faire de l’Italie un pays plus facile à moderniser – à moins qu’elle ne serve avant tout à renforcer l’exécutif et sa majorité, comme le soutient l’opposition.

Ce qui est certain, c’est qu’au-delà de leur Constitution, c’est en grande partie sur Renzi lui-même et sur son action que les électeurs se prononceront. Une victoire du “non” sonnera inévitablement comme une condamnation ; une victoire du “oui” sera en revanche interprétée comme la validation du style volontariste et du programme de réforme accélérée de celui qui, dès son accession au pouvoir en 2014, a proclamé son intention de “rottamare” (mettre à la casse) les rouages usés de l’Italie. 

À l’approche du scrutin, la question est de plus en plus souvent présentée comme le choix “raisonnable” du connu, contre le vote de contestation, probable saut dans l’inconnu, ce que craignent de nombreux journaux étrangers.

Car si les Italiens choisissent de désavouer Renzi, l’invitant ainsi à démissionner, les alternatives sont incertaines. La droite, qui ne parvient pas à s’unir derrière un même leader, n’en finit pas de se morceler ; le Parti démocrate de Renzi se débat lui-même avec son courant frondeur qui appelle à voter non ; quant au Mouvement 5 étoiles (M5S), en tête dans les sondages, il se dit prêt à prendre la relève, comme il l’a répété à La Repubblica. Mais l’est-il réellement ?

Inclassable Mouvement 5 étoiles

Incarné par la figure tonitruante du comique Beppe Grillo, le mouvement est né en 2009, brandissant une promesse de renouveau, des idéaux d’égalité, d’écologie et de transparance, et un mot d’ordre : “Vaffanculo” (allez vous faire foutre) à l’adresse de la classe politique, la “Caste”.

Depuis, le Mouvement 5 étoiles a fait du chemin. De nouvelles figures de proue ont émergé en son sein et il a conquis les mairies de Turin et de Rome au mois de juin. Mais au passage, il a aussi vu son image de transparence et d’horizontalité s’écorner. À cause de son organisation interne, opaque et autoritaire comme le dénonçait La Stampa au mois de février, des déboires de la maire de Rome, et plus récemment d’un scandale de fausses signatures de soutien.

Vient enfin l’enquête de Buzzfeed qui, publiée à quelques jours du vote, a su faire parler d’elle. Elle explique que le M5S “a bâti un réseau tentaculaire de sites et de comptes sur les réseaux sociaux qui diffusent à des millions de personnes de fausses nouvelles, des théories complotistes et des contenus pro-Kremlin”. Des faits soupçonnés en Italie, mais que deux journalistes du site américain ont pu établir en démontrant que les pages en question étaient liées à l’entreprise informatique du co-fondateur du M5S

Pour autant, réagit Linkiesta, il serait beaucoup trop réducteur de résumer le mouvement à la diffusion de “fausses nouvelles” et de “propagande pro-Kremlin” comme le fait Buzzfeed ; il est beaucoup plus que cela. Mais quoi exactement ? De fait, “il est curieux et plutôt singulier que, sept ans après sa naissance, personne ne soit encore parvenu à comprendre ce qu’est précisément le Mouvement 5 étoiles”, observe le directeur du site d’information.

Hégémonie culturelle

Décrite le plus souvent comme populiste, la formation est classée tantôt à droite, tantôt à gauche : “Tout le monde a en partie raison, et pourtant personne n’a raison. Pour le simple fait que le M5S échappe, aujourd’hui encore, à toute classification politique, idéologique et sociale”, poursuit Linkiesta. La force du mouvement tient dans sa capacité à “intercepter tous les sentiments de colère et de peur”, et son aspiration est moins de conquérir le pouvoir que de “défaire la toile des autres et de contaminer le plus possible les forces politiques adverses”.

Or quand on voit Renzi mettre en scène sa résistance contre le “diktat” de Bruxelles, présenter le “oui” comme un vote “contre la Caste” et enchaîner les interventions en direct sur Facebook sous le titre “Matteo risponde” (Matteo vous répond), on réalise, déplore le journal, “à quel point l’hégémonie culturelle du M5S s’est enracinée”. 

Populiste, Matteo Renzi ? À moins, envisageait Il Foglio au lendemain de l’élection de Donald Trump, qu’en adoptant certains codes du M5S le Premier ministre ne soit parvenu, au contraire, à incarner la réponse au vent populiste qui souffle aux États-Unis comme en Europe. Précisément, écrivait le journal conservateur, parce qu’il est “l’un des rares leaders en Europe à mélanger populisme, réformisme, et aspiration à la mondialisation”. À la “révolution” de Grillo, conclut Il Foglio, Renzi fait le pari d’opposer “une narration fondée sur le renouvellement du système politique et dans le système politique”. Quant à savoir si ce pari sera gagnant : réponse dans les urnes.