Par Lucile Schmid
En 2006, le Britannique Nicholas Stern, ancien économiste en chef de la Banque mondiale, publiait un compte rendu de plus de 700 pages sur les conséquences économiques à long terme du changement climatique. Financé par le gouvernement du Royaume-Uni, le rapport Stern (« Stern Review on the Economics of Climate Change »), qui contribua grandement à la prise de conscience de la question environnementale dans le monde des affaires, soulignait qu’une action internationale immédiate pour stabiliser les émissions de gaz à effet de serre aurait des retombées économiques bien supérieures au coût des mesures prises en ce sens.
Sur ce modèle, une gauche de gouvernement devrait demander un rapport d’évaluation des coûts de l’inaction écologique en France, élaboré dans les premiers six mois du quinquennat. Celui-ci donnerait ensuite lieu à un débat parlementaire solennel et serait suivi d’une loi de programmation portant au moins sur le quinquennat, voire sur dix ans.
Réagir au changement climatique annoncé, cela suppose la mise en œuvre de politiques de prévention et une capacité d’anticipation (en termes de stratégie économique, sociale et territoriale) face aux évolutions en cours et aux mécanismes d’adaptation qu’elles impliquent – faute de quoi règne l’inaction écologique. Les secteurs concernés sont vastes : énergie, agriculture, alimentation, urbanisme et logement, aménagement du territoire et des transports, emploi, santé, recherche, éducation, stratégies budgétaires et d’investissement.
Faire l’inventaire des coûts de l’inaction dans l’ensemble de ces domaines est donc une tâche de grande ampleur, qui n’ira pas sans une solide réflexion méthodologique. Aujourd’hui, on a déjà un aperçu de ces coûts dans le domaine de la santé (sur la pollution de l’air, avec le rapport de la commission d’enquête du Sénat de 2015, sur l’effet des pesticides et la montée de certaines pathologies).
L’expertise de la Cour des comptes
On peut aussi citer l’augmentation du nombre d’indemnisations dues aux effets du changement climatique dans certains territoires (inondations, sécheresses), comme l’a analysé un Livre blanc des assureurs publié avant la Conférence de Paris de 2015 sur le climat (COP21). Troisième exemple : l’entêtement à préserver le nucléaire représente un coût d’investissement exorbitant pour les finances publiques et les contribuables, et crée un effet d’éviction sur l’investissement dans les filières du renouvelable.
Ce rapport Stern à la française pourrait être mené par la Cour des comptes. Dans la ligne du rapport qu’elle avait publié sur le nucléaire en 2012, le fait de mobiliser cette expertise publique de haut niveau permettrait d’engager, sur des bases non polémiques, le débat à l’échelle nationale.
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