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Nouvelles images de maltraitance animale dans deux abattoirs français

Pour la quatrième fois en huit mois, l’association L214 dévoile des sévices graves, filmés dans les établissements de Pézenas, dans l’Hérault, et du Mercantour, dans les Alpes­-Maritimes.

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Publié le 27 juin 2016 à 23h33, modifié le 29 juin 2016 à 12h04

Temps de Lecture 5 min.

C’est une liste qui n’en finit pas de s’allonger. Pour la quatrième fois en huit mois, l’association L214 dévoile de nouveaux cas de maltraitance animale dans des abattoirs français. Deux établissements sont cette fois visés : ceux de Pézenas, dans l’Hérault, et du Mercantour, à Puget­-Théniers, dans les Alpes­-Maritimes. Filmées en caméra cachée entre novembre 2015 et fin mai, des vidéos insoutenables, auxquelles Le Monde a eu accès en exclusivité, montrent des sévices graves et des infractions manifestes perpétrés sur des bovins, des moutons, des cochons et des chevaux, lors d’abattages conventionnels et rituels. L214 devait déposer plainte, mercredi 29 juin, devant les tribunaux de grande instance de Béziers et de Nice pour maltraitance et actes de cruauté.

Comme sur les images tournées à Alès, au Vigan (Gard) et à Mauléon-Licharre (Pyrénées-Atlantiques), qui avaient suscité l’indignation, on voit de nombreux animaux mal étourdis reprendre conscience lors de la saignée ou de la suspension à la chaîne. Dans l’abattoir du Mercantour, un veau, accroché au rail par la patte arrière, tente de se relever pendant deux minutes entières, à moitié décapité, la tête dans un bac de sang. Plus tard, un mouton cherche à fuir, la gorge ouverte et en pleine conscience.

Un veau saigné à l’abattoir du Mercantour. Il tentera de se relever pendant deux minutes entières, à moitié décapité, la tête dans un bac de sang.

Mais les nouvelles vidéos – tournées sur douze jours – témoignent d’autres violences : à Pézenas, des chevaux sont tirés par un treuil jusque dans le box d’abattage, un mouton reçoit un coup de couteau dans l’œil avant d’être égorgé, des cochons sont poussés à coups d’aiguillons électriques, et des bovins saignés sans étourdissement sont égorgés par cisaillement, avant que le sacrificateur ne revienne découper dans la gorge des animaux encore vivants. Les deux établissements brillent également par une absence manifeste de contrôles vétérinaires.

« Les scandales se suivent et se ressemblent »

Autant d’infractions aux réglementations en vigueur. Le code rural français et un règlement européen de 2009 stipulent que « toutes douleur, détresse ou souffrance évitables sont épargnées aux animaux lors de la mise à mort ». Les abattages conventionnels prévoient notamment un étourdissement des bêtes – à l’aide d’une pince à électronarcose, d’un pistolet d’abattage ou de CO2 – et une deuxième tentative si la première a échoué, afin de leur éviter d’être conscientes au moment de leur mort. Des dérogations sont prévues pour l’abattage rituel, halal et casher, lors duquel des sacrificateurs égorgent – d’un seul geste – les bêtes en pleine conscience. Dans tous les cas, les textes imposent un contrôle continu des pratiques d’abattage par les services vétérinaires.

A l’abattoir de Pézenas, accrochage d’un bovin, qui reprendra ensuite conscience.

« Les scandales se suivent et se ressemblent. Il est illusoire de penser que l’on peut tuer trois millions d’animaux par jour en respectant la réglementation, dénonce Sébastien Arsac, porte-parole de L214, qui se bat depuis 2008 pour la fermeture des abattoirs. Nous demandons au pouvoir exercer un droit d’objection à cette tuerie de masse. »

Pourtant, une fois encore, les deux établissements incriminés sont de taille humaine. L’abattoir municipal de Pézenas, qui emploie une vingtaine de salariés, traite 2 000 à 2 200 tonnes de viande par an. Celui du Mercantour affiche six salariés, 250 tonnes de carcasse par an (dont 25 à 30 % de halal) et met en avant les circuits courts. Il est géré par un syndicat mixte composé d’élus de la commune, du département (notamment le député LR Charles-Ange Ginésy) et de la chambre d’agriculture. Et tous deux possèdent la certification Ecocert pour l’agriculture biologique – même si le cahier des charges ne prévoit pas de spécificités pour l’abattage.

« Il n’y a pas de viande heureuse »

« On a envie de croire que le problème, ce sont les cadences. Mais les petits abattoirs à l’approvisionnement local ne garantissent pas une meilleure protection des animaux, comparés à l’abattage industriel, assure Sébastien Arsac. Il n’y a pas de viande heureuse. » L’association lance cette fois une pétition pour la présence d’une alternative végétarienne ou vegan dans les restaurants scolaires et les collectivités.

A l’abattoir de Pézenas, la truie n’est pas immobilisée et l’opérateur doit s’y reprendre longuement pour parvenir à étourdir l’animal à l’aide d’une pince à électronarcose.

« Les choses bougent un peu du côté des services de l’Etat, des vétérinaires et des directions d’abattoirs, qui renforcent les contrôles, reconnaît toutefois le militant. Mais cela reste insuffisant. » Car l’abattoir de Pézenas avait fait l’objet d’une visite inopinée, le 17 mai, du député de l’Hérault Elie Aboud (LR) dans le cadre de la commission d’enquête parlementaire sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français, lancée en mars. Il n’avait pas relevé « de dysfonctionnement quelconque dans la chaîne ». « On estime qu’on fait un travail tout à fait convenable et on en est le plus fiers possible », déclarait alors le directeur de l’abattoir, Christophe Malleret, face aux caméras du journal Midi libre. « C’est la limite des contrôles humains : les actes de maltraitance avérés ne vont pas se produire sous nos yeux », reconnaît Olivier Falorni, député (RRDP) de Charente-Maritime et président de la commission d’enquête.

Deux contrôles

Surtout, l’établissement a fait l’objet de deux contrôles, les 22 et 26 avril, dans le cadre des inspections ordonnées par le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, à la suite du scandale de Mauléon-Licharre. « Nous avons repéré des problèmes sur le poste d’étourdissement, mais nous avons appliqué des actions correctives immédiates, en changeant le matériel et l’opérateur », assure Caroline Medous, à la tête de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) de l’Hérault, qui contrôle les services vétérinaires. Certaines des images de L214, notamment sur l’abattage des chevaux et des bovins sans étourdissement, sont pourtant postérieures à ces contrôles. L’abattoir, qui a découvert les caméras cachées, a déposé plainte à la gendarmerie.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Stéphane Le Foll s’attaque à la maltraitance dans les abattoirs
Dans l’abattoir du Mercantour, la découpe du bovin commence dans le box d’immobilisation, considéré comme une zone sale.

Dans l’établissement du Mercantour, en revanche, les services de l’Etat n’avaient relevé aucun manquement. « Je ne commente pas des images volées à la suite d’une violation de domicile, s’emporte son président, Emmanuel Vizza, après avoir visionné les vidéos. Mais un abattoir, ça abat, il y a du sang. Ce sera aux services de l’Etat de me dire s’il y a des facteurs correctifs à prendre ou pas. »

Les résultats de l’ensemble des inspections seront publiés par le ministère de l’agriculture, vendredi 1er juillet. Stéphane Le Foll en avait déjà donné la teneur lors de son audition par la commission d’enquête à la mi-mai : des non-conformités graves ont été relevées sur 19 lignes d’abattage sur 460 (soit 5 %) et des défauts d’étourdissement sur 39 chaînes (12 %). Au total, les inspecteurs ont donné 99 avertissements, 77 exploitants ont été mis en demeure d’apporter des corrections et des arrêts d’activité ont été ordonnés dans deux établissements. De leur côté, les députés continuent leur propre enquête. « Lors de nos visites inopinées, nous avons constaté des lacunes en termes de qualité des infrastructures et des équipements, de contrôles vétérinaires et de formation du personnel », assure Olivier Falorni, dont la commission rendra son rapport à la rentrée.

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