Qui se préoccupe de la jeunesse précaire à l'heure où un jeune sur 5 est au chômage, et où la problématique du déclassement entre pour la première fois dans les urnes ? A l'évidence, autorités et médias en dehors de nos frontières, qui surveillent les non-événements en France avec un regard attentif et un recul qui leur permet de saisir les écueils d'une campagne sans âme.
Tandis que la toute nouvelle agence de notation Young & poor (www.youngandpoor.org) - issue du collectif Génération Précaire et spécialisée sur la notation des politiques jeunesse des candidats à la présidentielle - continue son oeuvre de trouble fête de la campagne, The Economist titrait le 30 mars "La France dans le déni. L'élection la plus frivole du monde occidental" soulignant l'attentisme de l'un ou l'autre des candidats et l'absence de réel débat de fond.
Après The Wall Street Journal, qui ne tarit pas d'éloges sur notre agence de notation, la presse étrangère a été particulièrement active pour relayer le travail de l'agence et a bien saisi le but : obliger les candidats à travailler sur autre chose que sur le shakeasperian "halal or not halal".
Constituée d'une équipe d'analystes-veilleurs activistes et d'experts indépendants provenant de divers horizons (syndicats, ONG, chercheurs, entrepreneurs, DRH etc.), cette agence très spéciale est bien déterminée à faire bouger le curseur de la campagne en faveur des questions sociales en général, et des jeunes en particulier. Et ce dans une démocratie d'opinions et un paysage médiatique où le traitement de l'information est centré sur la culture de la politique politicienne, le culte de "la petite phrase à twitter" et les conflits de pouvoir. Faisant le jeu indubitablement de l'abstentionnisme, des forces extrêmes, et de la tentation sécuritaire.
Pendant ce temps, les "petits" candidats - quelle arrogance de juger de la grandeur à l'aune de statistiques issues d'algorithmes de sondage - sont trop souvent réduits par des journalistes, commentateurs et autres experts, cédant à la facilité de la critique superficielle. S'il est par exemple de bon ton de citer les propositions iconoclastes de Jacques Cheminade sur les jeux vidéo ou l'exploration spatiale pour combler avec amusement le temps de parole, qui peut citer ses propositions visant à tripler les écoles de la deuxième chance ou de doubler le nombre d'inspecteurs du travail ? Si beaucoup ont ironisé sur la proposition d'Eva Joly de supprimer le 14 juillet ou de réformer les jours fériés pour respecter la pluralisme des religions, d'aucun saura citer ses positions pour aider à la transformation des contrats de stage en apprentissage ou d'abaisser le plafond du nombre de stagiaires par entreprise ou administration.
Et ainsi pourrait-on poursuivre l'énumération des propositions des candidats ayant trait à l'emploi et l'insertion des jeunes, notamment sur :
- Le traitement de la délinquance et du décrochage - et pas seulement les centres éducatifs fermés, la rétablissement de la peine de mort ou le traitement répressif et sécuritaire (qui n'intéressent que Madame Le Pen) ;
- La réforme des stages et de l'apprentissage - ce qui n'est pas seulement une question de niveau de gratification (cher à Monsieur Cheminade) par exemple mais de contrat pédagogique et surtout de statut ;
- La réforme de fond de Pôle Emploi - Ce n'est pas uniquement une question de moyens, cessons ces clivages idéologiques avec d'un côté les réalistes qui coupent le budget et réforment la formation professionnelle des demandeurs d'emploi, et de l'autre ces doux rêveurs qui arrosent ! Un exemple de dysfonctionnement à améliorer, loin des positions politiciennes : Monsieur Hollande propose de développer un système de formation professionnelle avec un poids accru des régions. Un changement qui serait bénéfique, si et seulement si il est également question de réformer le fonctionnement aujourd'hui inefficace de Pôle-Emploi. Et si le candidat adopte un positionnement critique sur le fonctionnement actuel de certaines collectivités et les pratiques des acteurs régionaux ;
- Les minimas sociaux et les droits au chômage - Si le système actuel a montré ses écueils en termes de bureaucratie de coût et d'insertion, cette problématique n'implique pas seulement un durcissement des droits, une chasse aux "faux" chômeurs ou la restriction du RSA pour les étrangers, tels que le prévoit Monsieur Sarkozy qui, victime d'amnésie, semble avoir oublié le volet "moralisation de la finance et du capitalisme" (thème évoqué il y a 5 ans) ;
Ainsi, puisque la majorité des programmes restent parcellaires à ce jour - seuls trois obtiennent tout juste la moyenne (voir les résultats sur www.youngandpoor.org) - notre groupe s'est efforcé de distribuer des "emmentals d'or" pleins de trous pour essayer d'éveiller les consciences des candidats en manque d'inspiration. Mais pourquoi donc ces manques... Erreur ou omission consciente ? Il est (presque) encore temps de se rattraper. Par manque d'expertise? Génération Précaire (et tant d'autres !) pourrait les y aider. Par stratégie d'évitement du débat et calendrier électoral retardé ? Un certain collectif Génération Précaire usera de sa force de conviction pour le leur rappeler. Oui, vous qui lisez ces lignes et pensez que nous sommes prétentieux de nous croire si bons conseillers, n'oubliez pas que nous avons épuisé plusieurs ministres et participé au vote de 3 lois comme à la rédaction de la charte europénne des stages via le Parlement européen. Prétentieux peut-être, mais lobbyistes sophistiqués quand même...
On constate, une fois encore, l'omniprésence les médias sociaux, et un relatif renversement de tendance permettant d'améliorer la sensibilisation des électeurs par tribunes et autres comparateurs de programmes en ligne -dont certains, rendons à César, sont publiés par des sites de presse classique qui se convertissent plus ou moins bien au web- aide à renverser la tendance.
De cette autre campagne, celle qui se joue sur le fond, on parle donc peu. Merci donc aux médias étrangers que nous plaçons en "perspective positive": la presse étrangère (et pas des moindres) est venu à la rescousse de Young & poor. Depuis le lancement de notre agence, nous avons été interviewé par Reuters, BBC, Bloomerg, CBS News, Euronews, France24, les radios allemandes Deuschtlandfunk et ARD, relayés en Angleterre, Etats-Unis, Suède, Pays-Bas, Belgique, Russie, Corée, Luxembourg, Italie... Il ne manque plus que la France ! Et merci aux initiatives citoyennes comme la notre partout en Europe : la République des stagiaires italienne, Internocracy en Angleterre, Fair work en Allemagne ! Continuons de faire avancer la question de la jeunesse auprès de nos dirigeants !
Dans ce contexte, médias, blogueurs et citoyens français, sortez du bois ! Vous êtes (ou pas) européanistes, mais vous êtes un tout petit peu chauvins quand même non ? Ne laissez pas dire que notre pays est frivole et que nous avons la classe politique la plus bête du monde : montrez que la société civile et les médias ont un pouvoir dans notre pays et savent se dégager des faux débats sur la sécurité, la fainéantise des chômeurs et les peaux de bananes (au propre comme au figuré) sous les pas des candidats.